Parce que mon cousin aime bien les haricots verts, il leur accorde une place conséquente dans son jardin ; parce que les haricots verts aiment bien mon cousin, ils croissent avec une générosité qui semble échapper à tout contrôle. Ainsi, dès que l’occasion m’en est donnée, je participe à la cueillette car nous ne sommes jamais trop de petites mains pour venir à bout cette abondante production. Penchée sur un périmètre virtuel que je délimite mentalement pour être sûre de n’en oublier aucun, je dois dans un premier temps entraîner mon regard à distinguer la gousse de la tige. Puis, fouillant dans les feuilles, j’estime si les spécimens dénichés sont dignes d’être prélevés avant de tirer dessus d’un coup sec. Mes mains se remplissent rapidement jusqu’à ne plus pouvoir tout contenir, je dois alors me redresser pour repérer et emplir le panier en osier dans lequel s’accumule le produit de la récolte commune. Et ainsi de suite. Parfois surprise par un insecte, je pousse un cri de répulsion proportionnel à la dimension de l’intrus et souvent agrémenté d’un juron. Trompée par des mauvaises herbes qui s’immiscent dans mon champ de vision, je me venge illico par un arrachage musclé sans autre forme de procès. Le reste n’est qu’une histoire de résistance ; celle de mon dos qui me rappelle que je n’ai pas du tout été conçue pour ramasser des haricots verts, celle de mes mains qui devenues vertes se dessèchent, gercent et s’engourdissent. Ma patience est également mise à rude épreuve car ces satanés légumes semblent repousser subrepticement là où j’étais certaine de les avoir déjà tous cueillis quelques minutes auparavant. C’est une fois atteinte la capacité maximale du panier que sonne la fin des hostilités. Soulagée et satisfaite du travail accompli, rompue et gloussant de fierté, j’aspire à une pause bien méritée. Jusqu’à ce que, mon esprit réactivé par mon rétablissement en position verticale, je réalise qu’il faut à présent procéder à l’équeutage.
G comme Grenouilles <– –> I comme Injures
